Lettre ouverte à Mr Rebsamen par Chouette c’est bio
Voici la lettre ouverte envoyée par l’association Chouette, c’est bio à Mr le sénateur-maire François Rebsamen, Président de la communauté de l’agglomération dijonnaise, et à son conseil municipal :
Dijon, le 21 mai 2012
Monsieur le Maire,
Monsieur le Président de la Communauté de l’agglomération dijonnaise,
Mesdames et Messieurs les élus,
Il y a quelques années, notre ville faisait partie des premières à avoir proposé des denrées bio dans ses menus. Aujourd’hui, la proportion semble bloquée à 10% de bio dans les commandes et nous avons constaté cette stagnation depuis plus d’un an.
Après avoir rencontré Madame Dillenseger, adjointe aux affaires scolaires, nous avons compris que vous n’avez pas prévu d’augmenter la part de ces produits à court, moyen ou long terme.
Or, plus de 1200 personnes ont répondu, à ce jour, à l’appel pour des cantines bio, locales et de saison, dans le Dijonnais lancé par l’association de parents « Chouette, c’est bio! » sur son blog (http://dijoncantinebio.blogspot.fr/).
Nous habitons une région où la gastronomie est une fierté, et, en tant que parents et consommateurs, nous sommes convaincus qu’il est possible de proposer à nos enfants des produits frais, locaux, de saison et sans résidus de pesticides ou adjuvants(exhausteurs de goût, conservateurs, colorants, phtalates, bis-phénols, perturbateurs endocriniens, etc.) tout en étant conscients qu’une telle perspective mérite réflexion et concertation.
Notre préoccupation pour la santé de nos enfants est forte car l’aliment, s’il est un plaisir, est aussi “notre première médecine” (Hippocrate).
Nous savons que le bio sans surcoût est possible à la cantine.
Cela nécessite un mise en place progressive en s’appuyant sur les compétences locales.
Autour de nous, de nombreuses villes ont compris l’intérêt de cette démarche et se sont engagées dans un développement constant d’années en années :
la ville de Rome sert 155 000 repas bio par jour et de nombreuses villes en France sont déjà engagées dans cette voie, telles que Saint-Etienne, Toulouse, Bordeaux, Charleville-Mézières, Lorient, Barjac, Mouans-Sarthoux, et plus près de nous Auxerre, Lons-le-Saunier et Plombières-les-Dijon.
Pourquoi pas Dijon ?
À l’heure où les appels d’offre sont en passe d’être renouvelés pour 4 ans, nous souhaitons, conformément aux préconisations du Grenelle de l’environnement, que vous engagiez les cantines scolaires de Dijon dans cette démarche d’excellence sociale, sanitaire et environnementale.
76% des français pensent qu’il n’y a pas assez de bio dans les cantines. (06/11 IFOP)
La France s’est engagée à introduire 20% de produits biologiques dans les cantines scolaires à l’horizon 2012. (Grenelle)
François Hollande a proposé dans son programme un objectif de 40% de produits locaux dans la restauration collective.
Pour toutes ces raisons, et celles développées en annexe de cette lettre, nous souhaitons voir se mettre en place dans les cantines scolaires de Dijon et de son agglomération, une alimentation issue de l’agriculture biologique locale, car c’est la seule qui offre des garanties pour la santé de nos enfants et notre cadre de vie.
Rien ne doit être négligé pour protéger la vie de nos enfants et la rendre meilleure.
– « La vie, fragilité tel est ton nom » –
Voici nos attentes :
Il est de votre responsabilité d’élu:
– de mettre en œuvre un plan pluriannuel de passage au bio, local et de saison de la cuisine centrale,
– de mettre en chantier le projet de territoire qui l’accompagne nécessairement, à l’échelle de la ville, de l’agglomération, et de l’impulser en concertation avec le Département et la Région afin de donner à la filière bio les moyens et les outils favorables à son développement (incitations aux conversions, aux installations, accès aux terres, légumerie),
– de s’appuyer à court et moyen terme sur la production locale pour passer au bio les légumes, les fruits et les laitages,
– de lancer la réflexion sur l’équilibre alimentaire et économique que nous évoquons en annexe,
– de mettre en place un plan de communication et de sensibilisation du personnel de cuisine, du personnel éducatif, des enfants et des parents,
– de mettre en place une commission de suivi des menus ouverte aux parents, concernant la cuisine centrale et concernant les goûters du périscolaire.
Dans cette perspective, notre ville encore « plus douce à vivre » prouvera sa démarche environnementale exemplaire et son intérêt pour la santé de ses enfants et des générations futures. Son image ne pourra qu’en ressortir valorisée et grandie !
Tout en vous remerciant de bien vouloir porter attention à une préoccupation partagée d’après enquête par 76% des français, nous vous prions, Monsieur Le Maire, Mesdames et Messieurs les élus, d’agréer l’expression de notre haute et sincère considération.
Association « Chouette, c’est bio! »
Avec la signature et le soutien de
Isabelle AUTISSIER, Présidente du WWF France
Serge ORRU, Directeur du WWF France
Lylian Le GOFF, médecin-environnementaliste
Gilles-Eric SERALINI, président du Conseil Scientifique du CRIIGEN
Jean-Paul JAUD, réalisateur du film « Nos enfants nous accuseront »
Hugues TOUSSAINT, président de l’association Bioconsom’acteurs
Association UFC-Que choisir Côte-d’Or
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ANNEXES
Nous développons ci-après les trois point clefs de notre réflexion sur le bio à la cantine :
L’enjeu de santé – l’enjeu économique – l’enjeu environnemental.
L’enjeu de santé
Les menus actuels préparés à la cuisine centrale proposent par exemple de manière récurrente des « produits lactés » issu de l’agro-industrie sur-emballés qui présentent des conservateurs, des adjuvants et qui s’appuient davantage sur des arguments marketing que sur de réelles valeurs gastronomiques. Pourquoi ne pas proposer les fromages de nos régions qui n’ont pas besoin de « vitamine D ajoutée » ? Dans le même raisonnement, pourquoi servir des tomates en crudité au mois de février ?
Pourquoi les produits issus de l’agro-alimentaire conventionnel nous inquiètent-ils au sujet de la santé de nos enfants ?
Plusieurs types de produits indésirables sont susceptibles de se retrouver dans l’assiette de nos enfants:
des polluants issus de l’agriculture conventionnelle:les pesticides de synthèseles antibiotiques qui servent au traitement des animauxles organismes génétiquement modifiéset des polluants issus de l’industrie agro-alimentaire:les polluants ci-dessus peuvent se retrouver dans les ingrédientsles adjuvants, conservateurs, arômes et colorants artificiels, exhausteurs de goût, etc.les polluants liés aux emballages (bisphénol-A, phtalates)
Nous avons interrogé des spécialistes sur ce point, dont le médecin/environnementaliste Lylian Le Goff. Voici leurs principaux arguments:
La qualité de la nourriture contribue pour une part très importante à la santé des personnes.
L’état des lieux sanitaire de la population est préoccupant : les principaux fléaux de santé publique, notamment le surpoids, le diabète de type 2, la prévalence des cancers, sont en constante augmentation, y compris chez l’enfant, depuis au moins ces vingt dernières années. L’excès de consommation de produits carnés, de graisses saturées, de sucres, de sel, de produits raffinés et d’aliments insuffisamment pourvus en fibres, antioxydants et acides gras insaturés ainsi que les pollutions d’origines agricoles mettent à mal la santé publique.
Les denrées issues de l’agro-industrie et de l’agriculture conventionnelle sont d’autant plus inquiétantes que nos jeunes consommateurs sont en plein développement. On sait par exemple qu’une pomme issue d’un verger non bio peut recevoir jusqu’à 43 traitements avant d’arriver sur la table. Or, elle ne sera pas épluchée au moment du service –et quand bien même elle le serait, une partie des pesticides, assimilée par la sève des végétaux, serait consommée par l’enfant.
En revanche, l’agriculture biologique ne pollue ni l’environnement ni les aliments.
Comme l’attestent plusieurs études nutritionnelles comparatives, les denrées bio sont plus riches en nutriments protecteurs que les denrées non bio.
Il nous semble que la ville doit défendre au sein de sa restauration des valeurs de qualité et d’excellence sanitaire et donc faire valoir le principe de prévention à l’égard des pesticides utilisés pour leurs effets toxiques dans les productions conventionnelles.
L’enjeu économique: Le bio sans surcoût est possible.
A la cuisine centrale, le coût des denrées ne représente que 15% du coût global des repas.
De plus, il est possible de réduire les excès de protéines carnées, onéreuses et accompagnées de graisses saturées, pour consommer davantage de protéines d’origine végétale, plus économiques et accompagnées de nutriments protecteurs. Cet équilibre alimentaire, centré par les apports en protéines, préserve aussi l’équilibre du budget grâce à ces économies et en réduisant les déchets, d’autant que l’effet rassasiant de ces produits est plus marqué.
D’autre part, le SEDARB (Service d’Eco-Développement Agrobiologique et Rural de Bourgogne) a les compétences requises pour aider la cuisine centrale dans son travail d’approvisionnement.
Repenser les menus sans dépense supplémentaire ne relève donc pas de l’utopie ! Manger bio n’est pas du luxe ! Et quand bien même la ville devrait dépenser plus … les enjeux conditionnés par le contenu de l’assiette de nos enfants le méritent : enjeux sanitaires bien sûr, mais aussi en terme de gestion du bien commun :
L’enjeu environnemental:
Concernant l’environnement et l’économie de nos campagnes, c’est gagnant, gagnant.
Sous votre impulsion, et celle que représente le volume des 8000 repas quotidiens, la filière bio, locale sera en mesure de se développer durablement. C’est un projet de territoire qui peut se mettre en place, à condition que la ville passe commande auprès des producteurs locaux. Aujourd’hui, l’ONU et la FAO reconnaissent les capacités supérieures de production de l’agro-écologie par rapport à l’agriculture industrielle (ONU/2011/De Schuiter ; FAO/05/2007), loin des préjugés qu’on lui prête trop souvent.
La terre et le territoire péri-urbains peuvent retrouver une valeur nourricière et l’Agriculture, ses lettres de noblesse. Les conversions et les installations d’agriculteurs en bio, seront ainsi encouragées. Leur impact environnemental sera alors positif à de nombreux égards.
Par exemple, les villes qui ont favorisé les conversions et les installations d’agriculteurs en bio, ont vu leur taux de nitrates et de pesticides dans l’eau du robinet chuter au point de s’approcher des valeurs des eaux naturelles (exemple de Munich, Augsbourg, Lons le Saunier). Cette qualité retrouvée de l’eau représente un bénéfice à double titre et rejoint les deux enjeux précédents: sur le plan de la santé des habitants qui la consomment et sur le plan économique, grâce à la diminution de leur facture d’eau.
La contribution de nos territoires à la pollution du bassin Rhône-Méditerranée s’inscrit dans cette réflexion. Les coûts supplémentaires liés à la dépollution de l’eau sont externalisés, c’est-à-dire qu’ils sont pris en charge par nos impôts. Une prise en compte, en toute transparence, de toutes ces dépenses collatérales, montrerait sans aucun doute que les denrées issues de l’agriculture biologique reviennent moins chères que celles issues de l’agriculture conventionnelle